Hélie de Saint Marc ou l’estime de soi 4/4
La résilience
LA RÉSILIENCE
Il m’a fallu du temps pour comprendre que la cohabitation des contraires n’était pas une absurdité, mais l’essence même de la vie. Hélie de Saint Marc.
J’AI VÉCU PAS MAL D’ÉPREUVES…
« Depuis mon âge d’homme, Monsieur le Président, j’ai vécu pas mal d’épreuves : la Résistance, la Gestapo, Buchenwald, trois séjours en Indochine, la guerre d’Algérie, Suez, et puis encore la guerre d’Algérie…» Ainsi commence le discours d’Hélie de Saint-Marc devant le haut tribunal militaire le 5 juin 1961.
« J’ai vécu pas mal d’épreuves ». Dans ce phrasé pudique se cachent des douleurs sans nom, des douleurs qui ont modifié jusqu’aux plus petites fibrilles de son être. Des douleurs qu’il mettra en mots bien plus tard après sa sortie de prison, de façon tout à fait fortuite.
« J’ai vécu pas mal d’épreuves ». On pourrait y ajouter les 5 années passées dans la prison de Tulle avant une grâce présidentielle, ou sa sortie elle-même, devenu un paria, sans passeport ni carte de crédit.
Résilience. Ce mot semble avoir été créé pour lui. Il signifie la capacité à rebondir après un traumatisme, mais aussi la « capacité à naviguer entre les torrents ». Hélie de Saint-Marc aurait long à nous dire depuis son ciel, sur cette étrange habileté qu’il a eue à transmuter le métal vil en métal précieux. De cette capacité, nous n’en disposons pas également. Boris Cyrulnik affirme que certains s’en tirent mieux que d’autres : « Ils vivent, rient, aiment, travaillent, créent, alors que les épreuves qu’ils ont traversées auraient dû logiquement les terrasser ».
Si l’on peut prévoir le tempérament d’une personne grâce à son ADN, on ne peut pas prédire la capacité de résilience qu’elle aura face à l’adversité. Il existe des ressorts insoupçonnés qui peuvent nous faire basculer d’un côté ou de l’autre : « Au cours d’une existence, bien des choses se cassent en soi. On ne sait plus très bien à quel moment et pourquoi. D’autres se reconstruisent insensiblement. C’est une refondation perpétuelle. Une fragilité secrète, intrinsèque à la nature humaine, peut à tout moment nous faire basculer ou grandir avant que l’heure suivante ne remette tout en jeu ».
La résilience touche à ce qu’il y a de plus personnel et de plus caché en l’homme : son rapport à la souffrance. C’est peut-être ce qui nous conduit inconsciemment, davantage que la vague conception que nous nous faisons du bonheur.
LA PUISSANCE DE LA VULNÉRABILITÉ
Lorsque plusieurs fois dans sa vie on a tout perdu, qu’on a été un sous-homme, cela donne un sentiment de solitude évident et en même temps un certain bonheur – celui de connaître ses raisons de vivre et de mourir.
La souffrance est comme cette persona non grata qui s’invite sans crier gare. Tous autant que nous sommes, nous espérons en être épargnés. Occasion de révolte et de scandale, il est difficile de lui conférer une place dans nos vies aspirées par cette quête inéluctable de bonheur (voir Le masque). Comme Spinoza, on pourrait penser qu’il faille la bannir ou du moins ne plus subir ses mauvais traitements. A travers sa vie brûlante, Hélie de Saint Marc éclaire d’une lumière singulière ce délicat questionnement. Il a saisi avec le regard intérieur que « la cohabitation des contraires n’était pas une absurdité, mais l’essence même de la vie ». Que la douleur et la joie se font écho. Que les épreuves sont le lieu des plus grands apprentissages. Celles-ci ne l’ont pas épargné on le sait. Ainsi dans le tunnel de sa vie concentrationnaire :
« La souffrance était telle que je devais limiter mon champ de conscience et fractionner le temps. J’en étais arrivé, pour tenir un jour encore, à séparer ma propre vie en tranches de quelques minutes à peine. Atteindre encore l’autre rive, faire un pas, puis l’autre, marcher, une jambe projetée dans le vide à la recherche d’un peu de terre meuble, soulever mon squelette, ne pas penser, ne pas regarder, trouver encore la force au-delà de mes forces, chercher le visage de ma mère, ne pas pleurer, penser à tous le courage déjà accumulé, haïr les SS pour ce camarade qui m’a tendu la main et qu’ils ont jeté dans la fosse comme un chien, ne pas fermer les yeux, surtout ne pas glisser, forer encore, percer le mur, oublier les aboiements, chercher un appui, vouloir une seconde accrocher le regard du Kapo. Mais non, ne pas quémander un geste de grâce, ne rien lâcher, déjà une minute de gagnée… Maintenant atteindre l’autre minute. Et tout recommencer ». Les sentinelles du soir.
Et pourtant il ajoute : « Sans ces épreuves supplémentaires partagées avec tous les laissés-pour-compte des camps, des dimensions essentielles de ma vie me seraient restées étrangères. L’extrême douleur m’a appris la joie de vivre ».
Sous son regard, nous comprenons que les souffrances peuvent devenir un terreau fertile, non loin de la joie. Ces déchirements que la vie nous impose, énigmes que nous pouvons contempler longtemps abasourdis, recèlent quelque fleur secrète qu’il coûte à découvrir. Mais c’est le prix de notre propre apaisement, qui commence par l’acceptation. (voir L’appartenance – La construction de l’identité)
L’acceptation
Il est difficile de faire ce pas de côté pour regarder les épreuves sous un jour nouveau, comme un moyen de s’approcher de la pulsation même de la vie. Accepter la souffrance et la mort n’est possible que sous un positionnement humble (Voir L’action orientée mission). Humble devant la souffrance subie, mais aussi devant ses propres erreurs. La condition première de la résilience est le « pardon de ses propres erreurs, de ses propres fautes », qui est aussi « l’un des apprentissages les plus difficiles pour un être humain » (Etty Hillesum). De façon mystérieuse, comme dans le film Un jour sans fin, la vie semble parfois nous resservir les mêmes leçons jusqu’à ce qu’enfin nous en ayons compris la signification : « Ceux qui n’apprennent rien des faits désagréables de leur vie, forcent la conscience cosmique à les reproduire autant de fois que nécessaire, pour apprendre ce qu’enseigne le drame de ce qui est arrivé. Ce que tu nies te soumet, ce que tu acceptes te transforme » (Carl Gustav Jung).
L’acceptation appelle le consentement, qui la transcende. De “cum sentire” en latin, sentir avec, c’est-à-dire aller jusqu’à l’adhésion totale de la raison avec le cœur, sans réfléchir. Sans tirer derrière soi son pauvre corps prisonnier de la tête. « La vieillesse permet peut-être de retrouver de bonheur d’être soi-même. Personne ne peut plus avoir la tentation d’être un autre. (Voir Le masque). Les émotions troubles qui nous ont traversés, comme la préoccupation de paraître, la possession ou l’ambition, s’atténuent à mesure que s’éloignent les usages de la vitalité et de la vanité. C’est alors que beaucoup découvrent – mais il est souvent trop tard – que la merveille est dans l’instant ».
De la souffrance à la croissance
« Celui qui souffre avec humilité va grandir de son épreuve, celui qui est orgueilleux va s’en trouver détruit » (Alexandre Havard).
La fragilité, la souffrance sont des compagnes inévitables du quotidien. Nous percevons cependant trop peu combien c’est en les surmontant avec courage, que nous devenons davantage. Paradoxe de ce qui nous apparaît comme une plaie, qui nous fait advenir à nous-mêmes. Notre vie est toute tissée de ces choix infimes, entre dire oui ou subir. « C’est ma mère qui m’a enseigné le courage. J’avais sept ou huit ans. Nous vivions à Bordeaux, dans un quartier sombre et opulent, près des quais de la Garonne. Les soirées d’hiver à la maison étaient longues et faiblement éclairées. Je m’ennuyais en silence, debout à côté du fauteuil où ma mère était assise. Elle cousait, avançant point par point… Attentif, je regardais sa main qui courait, rapide, agile, précise. Au bout de longues minutes, elle a tourné vers moi son regard vert et lumineux et m’a dit en souriant : Tu sais, Hélie, le travail et le courage, c’est comme ce que je fais ici ; point par point, pas à pas ».
Chez Hélie de Saint Marc, souffrance et crises deviennent des « expériences émotionnelles correctrices ». Renversant la fatalité, Hélie de Saint Marc s’en est emparé pour « rencontrer la vérité de son destin ». Il n’est pas resté assujetti à la souffrance : il a traversé cette vallée de larmes pour en faire le marchepied d’une croissance personnelle, libératrice. « Il faut avoir du chaos en soi pour accoucher d’une étoile qui danse » (Friedrich Nietzsche).
Une souffrance transformante qui permet de dépasser les cadres logiques, d’intégrer des éléments en apparence contradictoires, d’accéder à des niveaux de réalité plus profonds. En taillant, elle vivifie ; en brûlant, elle ravive. « Lorsqu’un ami mourait à nos côtés, nous pensions que la vie s’arrêtait net, comme un moteur d’avion qui cale en plein vol ou une plante qu’on arrache de la terre. En fait, une cruche se brisait : des larmes et des parfums se répandaient sur le sol, dont je sais aujourd’hui qu’ils coulent longtemps encore à l’intérieur des enfants ». Les sentinelles du soir.
Dans le contexte toujours plus concurrentiel et fragile des entreprises, on parle beaucoup aujourd’hui de leur résilience. Celle-ci dépend certes des bons choix stratégiques de l’entreprise, de sa structure aussi. Mais également et en premier lieu de son identité, c’est-à-dire de sa culture singulière insufflée par le style de leadership et la personnalité du dirigeant. Le dirigeant (mais aussi tout manager) fait-il entrer ses collaborateurs dans une économie de la résilience ? Dans une culture combative face aux multiples défis de l’aventure entrepreneuriale ?
Finalement, de l’angoisse à la joie qui dépasse la souffrance, il n’y a qu’un pas de côté, celui du courage. Hélie de Saint Marc est là pour nous dire que l’être criblé d’angoisses est peut-être beaucoup plus proche de la joie parfaite que celui qui est repu de biens et de faux bonheurs. « Le cœur est un organe étrange ; c’est seulement lorsqu’il est brisé qu’il bat à son propre rythme : lorsqu’il n’est pas brisé, il se pétrifie » (Hannah Arendt).
LA RÉSILIENCE COMME UN ART DE VIVRE
L’art de bien souffrir
Dans ses vieux jours, le visage comme « un parchemin sur lequel la vie écrit, rature, efface et incise ce qu’elle veut », Hélie de Saint Marc semble rayonner avec le cosmos. Les nombreuses souffrances surmontées se sont transformées en joie paisible. On le regarde comme on contemple. On le regarde et on entre dans sa philosophie tissée d’humanités, une vie embrassée à bras le corps, de « flaques de soleil sur un sol de larmes et de sang ».
De son regard irradié par la conscience de la dignité humaine, Hélie de Saint Marc nous enseigne l’art de bien souffrir : en acceptant la mort comme partie intégrante de la vie. Seul moyen d’en faire une vie pleinement vécue. Paradoxalement, si l’éventualité de la mort est intégrée à la vie, celle-ci se dilate et se fait intense, alors que la peur et le refus d’accepter la mort en réduisent la qualité à une peau de chagrin, « un pauvre petit bout de vie mutilée, méritant à peine le nom de vie ». « En excluant la mort de sa vie, on se prive d’une vie complète et en l’y accueillant, on élargit et enrichit sa vie » (Etty Hillesum). La vie, si elle ne cherche que son auto-conservation, n’est plus la vie.
Nous considérons instinctivement la souffrance comme un échec. A travers des mécanismes rigides de contrôle ou d’évitement, nous faisons tout pour fuir son étau douloureux. Ainsi en va-t-il de la philosophie stoïcienne qui se donne pour but l’ataraxie, c’est-à-dire l’absence de trouble. Hélie de Saint Marc nous propose une autre voie. Sans jamais nier le scandale du mal, il préfère cependant “les chemins de mauvaise terre” en intégrant cette inévitable souffrance. Pour lui, la réalité, consentie et affrontée, accroît l’endurance. « Une fois c’est un Hitler, une autre fois Ivan le Terrible par exemple, une fois c’est la résignation, une autre fois les guerres, la peste, les tremblements de terre, la famine. Les instruments de la souffrance importent peu, ce qui compte, c’est la façon de porter, de supporter, d’assumer une souffrance consubstantielle à la vie et de conserver intact à travers les épreuves un petit morceau de son âme » (Etty Hillesum).
Paradoxalement, c’est peut-être en évitant la souffrance qu’on la subit le plus : « La plupart des Occidentaux ignorent l’art de souffrir, tout ce qu’ils savent c’est se ronger d’angoisse. Ce que vivent la plupart des gens, ce n’est plus une vie : peur, résignation, amertume, haine, désespoir » (Etty Hillesum). Ce sont souvent les représentations de la réalité qui font souffrir davantage que la réalité elle-même. Boris Cyrulnik affirme qu’après la seconde guerre mondiale, les soldats qui portaient de graves signes de stress post-traumatique étaient ceux qui étaient restés à l’arrière et n’étaient pas allés combattre. C’est leur représentation qui les avait anéantis.
Pour avancer dans l’environnement VUCA (Volatility, Uncertainty, Complexity, Ambiguity), le manager est confronté à plusieurs paramètres qui nécessitent une forme de résilience : accepter l’incertitude, sa propre imperfection et son ambivalence (vouloir une chose et son contraire, par exemple vouloir que ses équipes soient plus autonomes et en même temps garder un certain contrôle). Pour naviguer dans cette incertitude, il doit apprendre à assumer les frustrations inhérentes à ce « chaos », c’est-à-dire l’écart entre la situation réelle et la situation qu’il souhaite pour ses équipes ou son entreprise. Le manager ne peut l’assumer qu’en le recadrant par du sens (voir l’outil « management du chaos » de Vincent Lenhardt).
Nous avons donc notre propre responsabilité, non dans les maux eux-mêmes, mais dans la façon dont nous y répondons. L’approche systémique stratégique va jusqu’à dire que le problème n’est pas dans le réel mais au niveau du récit que la personne en fait. En lui faisant revisiter son récit et vivre une expérience émotionnelle correctrice, le coach remet la personne accompagnée face à sa responsabilité, et ce faisant, lui donne la capacité de se reconfigurer.
Quand la mort danse avec la vie
« Haïr la mort ou la cacher ne sert à rien. Je me méfie de ceux qui veulent vivre comme si l’instant présent pouvait se dilater de manière infinie. Ils se distraient de leur condition mortelle par toutes les ressources de l’illusion afin de repousser loin de leur conscience le dernier des rendez-vous. Celui-ci survient toujours trop tôt, sans qu’ils aient pu se préparer ». Les sentinelles du soir.
Dans son utopie Vous serez comme des Dieux, Gustave Thibon évoque un monde enfin débarrassé de la souffrance, ayant récupéré les clés de la vie et de la mort. Mais l’héroïne Amanda aime son Hélios d’un amour si beau que le paradis qui lui est offert sur terre ne peut que la décevoir. C’est que dans ce paradis-là, on ne passe plus d’un monde à l’autre, on reste dans une sécurité absolue où l’ennui devient… mortel. Elle choisira alors l’océan de la mort, et tous ceux qui l’aiment la suivront.
Par peur de la mort, nous résistons souvent à la vie. Malgré les doutes et les angoisses, Hélie de Saint Marc a choisi de faire confiance au sens qui la précède et qui le porte et dont le signe est la joie profonde. Il a fait le saut, non dans le vide, mais dans le plein. « La foi, ce n’est rien d’autre : faire confiance, avancer dans la nuit, basculer dans l’instant suivant comme si vous sautiez en parachute. Ce sont des choses très concrètes ». En faisant confiance et en avançant dans la nuit, il est passé d’une vie de raison à une vie du cœur, où la vie et la mort se tiennent la main, énigme qui le fascine et qu’il ne cesse de scruter. D’où s’écoule un parfum plus envoûtant que la douceur des plaisirs.
Pourtant, il lui a fallu bien des années pour réconcilier ses morceaux de vie épars dans une vision apaisée. Parlant de son expérience concentrationnaire : « Pour que cette expérience immorale ait un sens, il faut suivre un long chemin intérieur ». Ce long chemin intérieur n’a pas été le fruit d’un raisonnement simplement intellectuel, tentant de faire tenir ensemble des irréconciliables. Il n’est pas la résultante d’un volontarisme forcené. Son chemin a consisté à descendre toujours plus au niveau du cœur qui lui a donné la direction et le sens. Et par là « ses raisons de vivre et de mourir ». Tout ce que nous faisons uniquement à partir de notre volonté finit toujours par retomber. « Sans cette direction fondamentale du cœur, tout acte de volonté n’est que fuite en avant, un vol au-dessus d’un précipice » (A. Havard).
Depuis ce cœur profond, Hélie de Saint Marc convoque sans relâche la dignité humaine et son essence spirituelle, qui le maintient debout : « L’honneur est un acte de pauvre. Il suppose le dépouillement. Un homme nu, battu, humilié, reste un homme s’il garde sa propre dignité. Le vrai honneur est le regard de la conscience ». Cette conscience aiguisée l’aura laissé jusqu’au bout en proie au questionnement. Le cœur est le lieu du mystère. Ayant trouvé l’espace en soi pour contenir le monde, loin des pensées toutes faites et des slogans psychologiques qui bannissent l’effort intellectuel, Hélie de Saint Marc fait une place plus grande à la nuance, au doute, à la vérité fragile. Sa foi ? « Une minute de certitude pour cinquante-neuf de doute ».
Il y a quelque chose de l’ordre de l’esthétique dans la vie d’un leader accompli, où la vérité d’une histoire rejoint la beauté de sa trajectoire. « Combattre pour sauvegarder ce filet d’esprit que nous recevons en naissant et que nous rendons en mourant », c’est le sens qu’Hélie de Saint Marc nous livre humblement.
POUR L’ÉTERNITÉ
Devant le grand rivage qui se dessine, l’ellipse se referme. Le couchant se confond avec l’aurore. Hélie de Saint Marc tient enlacées la vie et la mort, l’enfant qu’il a été et le vieillard qui ne sera bientôt plus.
« Nous sommes semblables à ces vagues successives qui retournent inexorablement à l’océan, après avoir caressé le sable de la terre. Le mystère veut que la vieillesse et l’enfance finissent par se répondre. […] J’arrive à l’âge ou sont morts mes parents, à l’âge où il n’y a plus de différence d’âge, où ma génération ressemble aux feuilles mortes en octobre ; l’une suivant l’autre, les feuilles voisines tombent et se recouvrent. Insensiblement, l’enfant que j’ai été recommence à occuper mon esprit. […] C’est à ces signes, peut-être, que l’on reconnaît que la fin approche ». Les sentinelles du soir.
A quai se trouvent sa famille de sang, sa famille d’armes et ses amis. Une « cruche s’est brisée ». Mais « des larmes et des parfums se sont répandus sur le sol qui couleront longtemps encore à l’intérieur des enfants ». Dans l’éclair d’éternité d’un long regard bleu.
« A cette heure de départ, souhaitez-moi bonne chance mes amis. Le ciel est rougissant d’or, le sentier s’ouvre, merveilleux. Ne me demandez pas ce que j’emporte. Je pars en voyage les mains vides et le cœur plein d’attentes ».